La manière dont je vois les couleurs

Il existe deux lignes parallèles : les deux extrémités du spectre et elles avancent simultanément. Le monde se passe entre les deux. Tout ce qui vit, bouge, danse, vibre, rayonne, s’ouvre et se ferme se passe entre ces deux extrémités.
Entre ces deux lignes, des milliards d’autres lignes tendues, chacune à sa hauteur.
Chacun a sa couleur.
Certaines, la plupart même, oscillent. Elles oscillent avec plus ou moins d’amplitudes. Elles se rejoignent, se séparent, se mélangent, s’effacent, se reprennent.
Il y a beaucoup de vies dans ces lignes tendues.
Un chant continu en émane.
Il possède, lui aussi, toutes les couleurs du spectre.

De mon côté, je fais un grand écart impossible.
J’ai les pieds sur les deux lignes. J’enjambe les milliards de lignes tendues, sans les toucher. C’est éreintant. Irréalisable. Cela défie toutes les lois de la physique.
Pourtant, lorsque je te regarde ce n’est pas ton image que je vois, c’est ton cœur que je sens.
Si ton odeur me parvient j’y lis quelques pensées.
Si tu essaies de me convaincre que ta main est rose, je ne respire plus qu’une chose : l’humus discret de ce que tu caches de ta propre main.
Je suis toujours à côté du moment. Juste à côté. En plein de le centre de ce qui n’a pas de temps, pas d’écoulement.

Te souviens-tu du vol des oies ?
Je te refais le tableau.
L’angle de l’indulgence au-dessus de nos têtes. Je te montre les fenêtres. J’aperçois les oies qui se dirigent vers des climats plus cléments.
À cet instant le ciel m’aspire.
À cet instant tu perds pied.
Les résidus d’informations superficielles sont déjà balayés par les vents.
Il ne reste plus que ça : l’aspiration.
Le sol devient meuble. Mon cœur est endurci. Encore. Il aura besoin de quelques secousses supplémentaires mais une première vague vient de l’ébranler.
Tu es perdu.
Je ne peux rien encaisser de plus.
Il faudra attendre le printemps.
Visuellement attendre est si proche d’attendrir que c’est troublant mais je ne suis pas dupe. J’ai toujours attendu dans des gouffres, je suppose qu’il en est de même partout.
Sur ces points-là je ne sais si j’ai tort.
J’apprendrai.
Il reste beaucoup de choses à apprendre.
Et les oies sont passées.

 

e.

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